- EVENEMENTS
LE PARC, foyer de la résistance. Mr et Mme Plaut, les châtelains du Parc, prirent des risques en mettant à la disposition des résistants et travailleurs réfractaires, un pavillon de chasse pour leur hébergement. Ils y arrivèrent en 1943. Emile et Jacques Cuny étaient les jardiniers du château, le père était précédemment le chauffeur de la famille. Le ravitaillement était organisé avec le concours des personnes de la région, en particulier Mr Herpin, négociant au Parc, de la famille Danjou, de Braffais, Lerouxel, d'Avranches, etc... Chacun avait sa spécialité, ravitaillement, vêtements, médicaments, matériel de sabotage, faux papiers, tickets d'alimentation. C'est de Sainte-Pience que partaient à vélo, la nuit, ces F.F.I. chargés de missions dangereuses. Les déraillements de trains, en particulier, celui de la Mare Guiffard, entre Le Tanu et La Haye-Pesnel, d'autres autour de Villedieu. Arrestation au Parc. Le Jeudi 6 avril 1944, à sept heures et quart le matin, commençait une journée mouvementée pour le Parc. Arrivaient dans la cour de Jean-Baptiste Herpin, deux voitures 402 Peugeot, avec des soldats allemands. Mr Lesieur, le boulanger, fut interrogé. Ensuite, ils se dirigèrent au restaurant Chenu, tenu par l'épouse, le mari était prisonnier. Puis ils pénétrèrent dans les pièces et firent lever toutes les personnes. Toutes les chambres et meubles furent fouillés. Mme Chenu était inculpée d'avoir écrit des lettres à un nommé "Jean". (Photo ci-dessous du café/restaurant Chenu au début des années 60).
 Un pain sous le bras, le boulanger alla voir les événements. A peine entré dans le restaurant, il fut fouillé pour voir s'il n'était pas porteur d'armes. Mme Chenu fut giflée pour avoir parler avant son tour. La fouille continua d'être concluante, cinq fausses cartes d'identité, des listes de noms, des cartouches de révolver. Dans cette matinée, le château fut fouillé de fond en comble. Les allemands démontèrent même la cheminée pour l'inspecter. Un lit était chaud, l'occupant avait pris la fuite, le fugitif était Jean Fauvel, né à Sainte-Pience et qui faisait partie des résistants. Les personnes arrêtées furent invitées à prendre place dans les voitures, puis prirent la direction de La Haye-Pesnel, pour gagner Granville. Il y avait à bord, M. Plaut et sa soeur, M et Mme Cuny, Mme Chenu et sa cousine. Le restaurant Chenu fut fermé. A Granville, les inculpés étaient logés dans un hôtel au bas de la rue Couraye. Ils subirent des interrogatoires mais furent bien traités. Le fis de Jacques Cuny fut arrêté le samedi 9 avril par les gendarmes français de Villedieu alors qu'il se trouvait chez Lagoutte à La Trinité. Les habitants du Parc furent relachés, ils purent rentrer le jour de Pâques.

1944, Gabriel Ligot, alors âgé de 18 ans, pris chaque jour des notes, au crayon, et ce à partir du 2 juin 1944. Ces notes écrites sur un petit calepin, ont été recopiées par son épouse. en voici un extrait : Mercredi 7 juin, bombardements à Avranches le midi, la gare, la ville, incendies et des avions qui rôdent, puis à la mi-journée, bombardement de la ligne de chemin de fer Villedieu-Folligny-Montviron. On dénombre 600 tués à Pontaubault. Vendredi 9 juin, à La Haye-Pesnel, 34 chevaux de crevés, 15 à Folligny - réquisition de tous les véhicules. Les allemands cantonnent dans tous les magasins, vol de 20 kg de beurre salé, 300 oeufs de conserves, boites de boeuf en gelée, cierges cassés, etc... Cambriolage au garage Pichard, au bureau de tabac. Au château, 2 veaux tués et 1 vache. Des bombes tombent sur la route de Braffais, et sur la route de Villedieu des camions brûlents et 1 moto. Du blé est volé au château. Il y a aussi des bombardements sur Granville et sur St Pair. Samedi 10 juin, mitraillage et bombardements de la région du Parc. La moitité des allemands restent dans le magasin, et réquisition de la camionnette. Lundi 12 juin, une alerte dans la nuit à 3 heures pour bombarder un convoi de voitures à chevaux, le matin une nouvelle alerte, puis bombardement et mitraillage de toute la région, la dernière bombe tue malheureusement les trois petits 'Paisant', les aînés. Mardi 13 juin, à 11 heures, enterrement des petits 'Paisant', à Sainte-Pience, le soir, une cinquantaine d'avions tournent au-dessus de la région. Mercredi 14 juin, le matin à 8 h, arrivée des avions, 26 bombes, cela parait du côté de l'Épine. Vendredi 16 juin, matinée calme, les gens viennent chercher du pain. Mr Lesieur donne 200 gr de pain par personne, par jour.
 Lundi 19 juin, on dit qu'il doit y avoir 5 à 600 allemands vers Braffais. Samedi 1er juillet, il pleut, de temps en temps, 3 ou 4 allemands couchent au château. Arrivée de 9 réfugiés le soir, dans la nuit passage de convois de chevaux et voitures montent vers Sainte-Pience. Mardi 11 juillet, toute la journée, passage de réfugiés, ils viennent de Gourfaleur. Les officiers de La Rametière vont partir, 2 Polonais viennent donner des nouvelles. Les allemands boivent chez Mr Pichard et chantent dans la nuit, pas d'avions, nuit calme. Mardi 12 juillet, les allemands du Luot viennent chercher 22 fûts d'essence. Jeudi 13 juillet, nuit calme, des réfugiés arrivent au château, la famille Naumann, et des réfugiés de Saint-Lô chez Hardy, au total 127 réfugiés. Mardi 25 juillet, très grande activité aérienne, pas 5 minutes sans avions ; bombardiers légers. Le soir, tous les allemands de Sainte-Pience (les verts) s'en vont, restent seulement (les noirs), les SS. A Bourguenolles, mitraillage d'un camion sur la route. Lucien Letondeur passe auprès. Une voiture allemande passe et tire, il est tué d'une balle dans la tête ! Ils deviennent méchants. Vendredi 28 juillet, les allemands viennent réquisitionner l'église pour en faire un hôpital, les allemands redescendent, il en passe des troupes d'une dizaine à pieds, presque sans armes. A 6 h 1/2 passage d'avions très bas, mitraillage sur le château, à 8 h 1/4, mitraillage de La Champagne. Ils font sauter l'essence et les munitions. Samedi 29 juillet, 9 h 20, 5 colonnes américaines déferlent vers le sud, rapidement. Ce matin, gros trafic des croix rouges venant de Sainte-Pience, mitraillage. A 5 h ce matin, départ de la Croix Rouge installée à Plomb (400 blessés dans l'église). On dit que le matin les américains sont à 8 km de Granville vers Sartilly. A 9 h 1/2, passage de 3 prisonniers américains qui se dirigent vers Braffais, conduits par un allemand, après ce sont les américains qui passent au Parc (en uniforme). Dans la nuit, passage de camions (chenilles et chars), 252 voitures, 53 blindés et 4 chars tigres. Dimanche 30 juillet, les allemands ont tout fouillé chez Pichard, Maincent, Tesnière, les allemands rodent partout ; il faut faire sortir cinq SS de chez Pitel, qui faisaient du chahut, sortie précipitée par le toit de la cave. A 2 h, six allemands SS, armés, viennent pour prendre les vélos d'Henri Allain, Louise leur referme la porte de la cave au nez. A 7 h la route d'Avranches est coupée au-dessus du pignon percé. Toutes les maisons du Parc sont mises à sac, sauf chez Paul Foulon. On parle de 25 chars au bourg et 50 dans le bois. Dans la nuit, passage toute la nuit de chevaux, voitures, camions, tanks, le canon approche. Passage d'environ 300 voitures à chevaux et quelques 400 camions, peu d'avions. Il y a deux postes de D.C.A. dans le champ d'H Hergault (Route de Braffais), 1 simple et 1 quadruple. Lundi 31 juillet, passage de tanks à 8 h ils vont se garer dans le bourg, dans les jardins. 11 h, arrivée des avions, puis quelques coups de mitrailleuse et des bombes direction La Haye. Incendie P. Navet, son meuble est sauvé. Le boulanger est remonté (au propre comme au figuré !). Voitures dans tous les sens, vers Avranches et vers Villedieu, toujours coups de mitraille. Mardi 1er août, à 5 h 1/4, arrivée des américains - surprises ! passage de jeeps. Puis toute la matinée passage de troupes - camions et à pieds. C'était des Canadiens. Leurs premières paroles : les p'tiots - asteur, j'ai mal à mes gigots (cuisses) tout le monde est en joie ! on porte des fleurs, à boire aux américains. On leur cause un peu, ils nous demandent des renseignements sur les "boches" Curry et son fils et quelques autres vont chercher des prisonniers, il y en a environ 100 dans le champ de chez Fillâtre ; on applaudit au passage d'une colonne de 35 prisonniers allemands. La nuit, tous les prisonniers sont partis ; passage de tanks. Chute d'un avion chez M. Allain de Plomb, beaucoup de bestiaux blessés par la bombe et la D.C.A. Toute la journée passage de convois, le soir affiche 'Circulation interdite sur la route de Villedieu Avranches et du Parc au Luot (personnes et véhicules sans autorisations) circulation interdite à plus de 6 km du domicile, sauf permission. Remises armes, munitions, matériel de guerre, transmetteurs, remise de pigeons voyageurs, blakout 22 h - 4 h".

Jeudi 3 août, toute la journée passage de convois, l'après- midi, beaucoup de tanks, quel matériel !!! C'est formidable tout le matériel qu'ils peuvent avoir ! Il est absolument impossible pour les allemands de réussir une contre-attaque. Que de munitions à voir passer - joie. Il est absolument ahurissant d'entendre passer tout ce matériel, et les américains font de la bonne propagande avec leur tabac et bonbons, etc... jamais nous n'avons tant fumé (nous avions que notre décade).
 Samedi 5 août, depuis 5 h du matin, passage d'infanterie uniquement, sur la route de Villedieu par camions de 30. Puis artillerie et blindés, bonne récolte de cigarettes, surtout chez Mr Péculier, l'après-midi, passage de blindés, le soir un peu de D.C.A., mais nuit très calme. Vendredi 11 août, passage de 28 gros transports de troupes - parachutistes ; lâché de 60 environ. Samedi 12 août, la matinée, passage de plus de 400 bombardiers, très haut. Le soir passage de 6 transports de troupes. Mardi 15 août, c'est le calme, un vrai temps de PAIX, belle communion ce matin, temps chaud. Jeudi 24 août, reprise du marché au beurre.
Photo de soldats allemands se rendant à un américain, sur une route de Plomb à la libération (collection Odette Ligot)
|